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Le livre d’artiste, les divisions

En ce moment, je suis en train de réfléchir sur le moyen d’exposer les livres d’artiste que je fais et donc je lis des réflexions d’artistes, de commissaires d’exposition… Dans ces textes, les auteurs définissent en premier lieu le livre d’artiste, définition que j’aimerais relayer et donner également mon avis en tant qu’artiste du livre.

Voici comment Jean Dupeyrat définit le livre d’artiste dans L’exposition des livres d’artistes, ou son impossibilité  : le livre d’artiste est une articulation entre l’art et l’édition. Conçus par des artistes qui font du livre un mode de création et de diffusion approprié à leurs intentions artistiques, ils font pleinement de l’art tout en résultant de moyens d’édition contemporains. Ils se distinguent ainsi des catalogues et des livres d’art, car ils ne sont pas à propos de l’art mais ont par eux-mêmes un statut artistique. Jusque-là je partage son propos. Par contre, plus tout à fait lorsqu’il ajoute : Ils se distinguent des livres de bibliophilie (livres illustrés, livres de peintre, livres-objets) car ils ne cherchent pas à esthétiser le livre à l’aide de pratiques et de conventions issues de l’artisanat ou des beaux-arts, mais visent plutôt à déplacer dans le contexte artistique les stratégies de l’édition et de la culture du livre. Propos que Clémentine Mélois tient également dans Publier]…[Exposer : le livre d’artiste est une forme d’expression nouvelle où l’artiste prend le livre comme support d’un travail artistique et assume seul sa conception. ce qui le diffère des livres de bibliophilie, faits par des moyens artisanaux (gravure, typographie au plomb et les arts de la reliure). Le livre d’artiste se rapproche le plus possible d’aspect extérieur aux livres ordinaires. La forme est mise au service d’une idée, d’un sens dont l’édition est le support(…) mais chaque exemplaire étant un ‘original reproductible’.

Ces deux auteurs ont ceci en commun (et partagé par d’autres) que le livre d’artiste est né en 1968 utilisant des procédés d’impression mécanique (stencil, photocopie, offset, impression ou support numérique). On retrouve dans les courants du Pop art, la poésie visuelle, Fluxus, l’art minimal et conceptuel, les livres d’artiste auxquels ils font référence.

Selon moi, ils sont trop réducteurs de ce qu’est un livre d’artiste. Mettant de côté les livres d’artiste aux procédés artisanaux, comme la partie plus bibliophile qu’ils nomment livres illustrés. C’est-à-dire, les livres issus de la tradition française de la fin du 19me (proposé par des galeristes pour gagner plus d’argent, c’est vrai). Les livres illustrés étaient faits par des auteurs connus et illustrés par des artistes tout aussi connus. A été cité comme exemple dans Publier]…[Exposer  ‘Le corbeau’ d’Edgar Poe et d’Edouard Manet. les livres étaient numérotés et imprimés de manière artisanale sur du beau papier.

Ils mettent également de côté tout ce qui a pu être créé depuis.  Le livre d’artiste a ceci de bon qu’il s’affranchit d’un passé d’histoire de l’art et donc permet une grande liberté créatrice sans étiquette. Enfin, jusqu’à présent.

Entendons-nous bien, j’aime aussi cette branche du livre d’artiste, qu’est le livre d’artiste conceptuel. Ce sont les livres de Robert Filliou, vus au LAM lors d’une exposition du groupe Fluxus, qui m’ont mis le pied à l’étrier. Mais en lisant, les définitions données je ne peux pas m’empêcher de penser tout d’abord : Mais pourquoi vouloir définir ce qu’est le livre d’artiste ? La définition cloisonne et compartimente. La création n’est-elle pas un acte qui ne souffre d’aucune limite ? Être ou ne pas être telle était la question d’un important personnage, mais doit-on en arriver à exclure ce qui n’est pas du livre d’artiste conceptuel ?

J’en viens donc à faire un parallèle avec les autres arts, n’y a-t-il pas aussi un rejet de tout ce qui n’est pas de l’ordre de l’art contemporain, entendre par là tout d’abord conceptuel plus que formel. Là aussi est mis au ban tout art qui est sensuel et formel, mais qui n’en est pas moins réfléchis.

Parfois il est difficile de définir ce qu’est un livre d’artiste, car nous frôlons les frontières de plusieurs disciplines ou sommes carrément à cheval sur plusieurs disciplines. Je pense que nous serions d’accord que l’intention d’un artiste caractérise un acte artistique et que pour le livre d’artiste, il s’empare du codex pour dire ce qu’il a à dire. La forme prendra selon son propos, avec ou sans mots, avec ou sans matière, avec ou sans images… et qu’il ne faut pas opposer sensible et intellect, ni artisanal à mécanique.

Le livre d’artiste est aussi un moyen de diffusion de son travail, une exposition en soi. Mais ceci sera l’objet d’un autre article.

4 commentaires sur “Le livre d’artiste, les divisions”

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