Aller au contenu

‘Partir ?’ 3

Description

Le voici terminé, le troisième exemplaire de ‘Partir ?’, 13 ans après le premier exemplaire. Les dessins sont brodés à la main sur du papier et la reliure est également faite main. Il y a 13 ans, je cherchais un thème sur lequel travailler. J’ai pris le dictionnaire et j’ai fait tourner rapidement les pages pour pointer au hasard un mot. Je suis tombée sur le mot exode qui m’a interpellé. Le départ en masse. Je ne voulais pas de la dimension religieuse et après réflexion cela m’a donné envie de travailler sur la difficulté d’émigrer lorsqu’on y est contraint.

Pour ce livre (et depuis cela ne m’a pas quitté) j’ai commencé à dessiner aux fils sur papier. Le geste lent faisait écho à la difficulté de faire un choix tel qu’émigrer. Les accrochages, déchirures du papier lorsque je tirais trop fort sur le fil était le pendant des moments d’une vie. Je les laissais. Pour le premier livre, je dessinais au fil directement dans le livre, sans dessins préparatoires. Je vivais l’histoire. Les trois livres ont la même base, l’histoire, les dessins et la technique. Mais chacun est différent car j’ai fait évoluer le livre avec ma nouvelle façon de concevoir les livres. Par exemple, pour celui que vous voyez, ce qui diffère des 2 autres c’est l’emploi du papier artisanal lorsqu’on se retrouve dans l’ordre des souvenirs ou de l’affect. De l’ordre du sensible. Alors que le reste du livre est fait avec du papier industriel, plus froid. Plus factuel, de l’ordre de l’intellect. Les ‘photos’ peuvent être prises dans les mains et nous font entrer dans l’univers de l’histoire.

L’histoire se divise en trois parties :

La 1ere, un homme part de chez lui et abandonne famille, amis et lieux si bien connus. Il ne peut prendre qu’une valise. Que prend-il ?

La 2ème, l’ami du premier doit partir également certainement pour le même endroit que le 1er. Mais partir est trop difficile pour lui. Il ne sait pas s’il peut véritablement fuir la situation actuelle en abandonnant les personnes et tant de choses qui lui sont chères. Et pour où ?

La 3ème, on revient dans la chambre du premier homme. Ses deux maisons se mêlent, les lignes se déforment et se superposent. Il a un passé dans son pays mais (pour le moment) pas d’avenir. Il n’a pas de passé dans ce nouveau pays mais un présent et un avenir. Il doit trouver un nouvel équilibre.

Une personne, selon moi, ne quitte pas totalement un lieu, il ne l’oublie pas pour un nouvel endroit. Et ce nouveau pays devient également le sien. Il n’y a pas d’avant et d’après bien distinct, mais plutôt une superposition des deux. Avant, c’est à lui mais plus tout à fait et maintenant est à lui mais pas complètement.

Il y a 13 ans lorsque j’ai eu fini le 1er livre, je l’ai montré à mes grands-parents (émigrés italo-macédonien). Je me souviens de la scène comme si c’était hier. J’étais assise à la table, ma grand-mère dans son fauteuil près de la fenêtre, mon grand-père sur sa chaise à côté d’elle. Silencieusement tour à tour ils ont parcouru le livre. Mon grand-père s’est levé et est parti. Ma grand a refermé le livre en me disant ‘Cici, c’est l’histoire de la famille que tu as fait là’.

Le second livre est au centre du livre d’artiste à Bruxelles. C’est un endroit où l’on peut emprunter les livres et Gaëlle me dit qu’il est souvent emprunté par des personnes émigrées. Il a même inspiré deux femmes afghanes et elles ont fait leur livre brodé.

Voici quelques images et une vidéo dessous.

Galerie